Juillet 2014…
Le site est enchanteur, romantique à souhait et protégé du vent, de la pluie, des regards même… petit cocon de verdure en plein centre-ville. C’est un beau lavoir préservé en région tourangelle investi non pas par les rires des lavandières d’antan ce samedi-là, mais par ceux, plus discrets peut-être –quoique…- d’un groupe de peintres venus faire provision de couleurs, de sensations, de sentiments de joie et de plénitude, d’apprentissages aussi.
A notre arrivée, et pour nous donner le ton sans doute, un martin-pêcheur, dérangé dans ses habitudes, file d’un trait coloré se cacher dans le paysage. Pas envie d’être collé sur la toile celui-là !
A nos yeux ravis, que de verts différents, soutenus et ponctués par un peu de blanc ici, de jaune là-bas. Le bleu sera à deviner derrière le gris du ciel ou les reflets sur l’eau, et l’ocre rouge à débusquer entre les tiges et les feuillages variés et abondants, les branches des arbres s’étirant comme autant de bras voulant se rafraichir à la rivière…
Les nénuphars s’étirent paresseusement et s’enchevêtrent au premier plan. Au cours de la journée nous aurons la surprise de les voir grandir, hisser leur col vers la lumière.
Et traversant tout cela, une jolie passerelle, juste usagée comme il faut, aux volutes de dentelles, belles arabesques de métal fines et élégantes, joli pont entre deux rives, qui nous donnera le spectacle de personnages apparus, toujours séparément, de la propriété voisine, en quête de quoi ? D’un moment de solitude, de retraite ou d’endroit propice aux conversations téléphoniques ultra privées ?… Nous nous souviendrons de la dame en marinière, du joyeux jeune homme en pantalon rose foncé, offrant la note de couleur complémentaire idéale aux peintres du jour, de cet autre jeune homme au costume bleu clair bien chic et bien pressé, d’une jeune fille à la robe fleurie venue s’accouder quelques instants dos à la balustrade, téléphone à l’oreille, et de sa surprise quand elle se retourna et nous vit… la regardant !
Partout ailleurs la météo grisonne, vente, pleure… Nous n’en avons cure, à l’abri dans notre bulle verte de peinture, tentant de capter ce vert riant vers le jaune, cet ocre tournant vers le brun, ces ombres nécessaires, ces lumières changeantes. Ces éclats de lumière capturée et transcrite sont autant de rires et de jolies surprises jalonnant cette journée.
De 10 H à 18 H les pinceaux s’activèrent, les yeux se froncèrent, les bâtons de pastels ou les tubes de peinture à l’huile prêtèrent leur concours à la réalisation d’œuvres sensibles et bien construites. Et comme d’habitude le paysage fut le même pour tous mais les œuvres furent autant de tableaux très différents, reflets de la singularité d’expression de chaque peintre.
Le temps s’est-il étiré ou bien s’est-il condensé, plié, courbé ? Ce fut un temps à part, des heures volées à nos quotidiens de gens affairés, une parenthèse vivifiante et fraiche, appliquée pourtant – l’apprentissage de la peinture nécessite d’aller puiser des forces, des intuitions spontanées et de faire de chaque instant un choix- et ce temps ne pourrait-il pas s’appeler « le temps retrouvé » ?
Aline Grasset-Bizot. Le 9 juillet 2014